Priorité au SENS ou à l’ESTHÉTIQUE ?
Quand j’ai constaté que tous mes tableaux n’avaient pas le même poids intérieurement; je me suis demandé :
« Pourquoi est-ce que je sens si différemment l’importance de mes oeuvres?»
« En quel lieu de moi suis-je, quand je les peins ?»
J’ai distingué quatre niveaux de création artistique.
1. La création commandée par le gagne-pain Objectif : Peindre pour un revenu. |
2. L’émotion esthétique que je prévois vendre. Peindre selon mon inspiration esthétique (avec l’intention de vendre). Objectifs : Manifester l’artiste que je suis et en tirer profit $. |
3. Le plaisir libre de toute attente (Art-repos art-plaisir) Peindre pour mon plaisir, sans me soucier du regard de l’autre, que cela se vende ou pas. Objectifs: Mon plaisir et/ou Explorer des sentiers nouveaux. |
4. L’intuition imagée (Art-croissance) Peindre pour comprendre ma vie, pour entendre mes intuitions. Objectif : Croissance personnelle + plaisir + exploration. |
Evidemment, plusieurs de ces objectifs peuvent se côtoyer. Ce dont je parle ici c’est la MOTIVATION DE DÉPART. Lorsque je peins le portrait de quelqu’un, sur commande, je ne suis pas en train de répondre à mes états intérieurs; j’utilise mes compétences artistiques seulement. Et puis répondre à mes intuitions imagées ne m’empêchera pas de vendre ma toile plus tard. |
Il serait difficile de toujours être au niveau 4. On manque de plaisir lorsqu’on est toujours au niveau 1. Le niveau 3 fait beaucoup de bien. Quant à l’artiste qui se situe le plus souvent au niveau 2 il devra, pour préserver sa santé créative, explorer le niveau 3 à l’occasion. Le niveau 4 demande une attention particulière.
Je suis restée longtemps aux niveaux 1 et 2, j’ignorais que mes oeuvres avaient quelque chose à me dire. Je me suis fait beaucoup de bien lorsque j’ai mis à mon agenda, les tableaux de niveau 3. C’est ce qui m’a fait passer, petit à petit, au niveau 4. Débuter un cheminement de croissance, donc apprendre à écouter ce qui se passait à l’intime de moi, a permis que jaillisse ce niveau dans mes croquis; les peindre m’a emmenée à me découvrir plus en profondeur.
Plus je distingue ces divers niveaux, plus je les maîtrise. Je passe de l’un à l’autre au besoin. Et c’est passionnant.
Faisons le parallèle avec l’EXPRESSION DE SOI DANS LA VIE QUOTIDIENNE.. On ne peut pas toujours parler en profondeur. Toujours être au niveau des futilités est stérile. Au travail certaines choses se disent, d’autres pas. Entre amis, la liberté d’expression est plus grande. Nous avons besoin de tous ces niveaux pour vivre; de la légèreté à la profondeur, de la solitude à la rencontre.
Si tous les tableaux expriment une émotion (esthétique et/ou psychologique), l’introspection est nécessaire pour conscientiser ce qu’on exprime en images et on ne peut faire cela qu’avec des mots. Le ressenti qui accompagne le niveau 4 est très dense. Les tableaux peints à ce niveau sont faits pour être entendus, reçus, accueillis par leur auteurE. On peut toutefois les susciter en s’y intéressant et en étant ouvert aux changements de palier. Quand je communique le contenu de mes tableaux de niveau 4, c’est pour faire connaître l’impact que peut avoir ce type travail sur la croissance des personnes.
C’est une approche semblable à l’art-thérapie, à la différence qu’en art-thérapie, on y va spontanément comme peindrait un enfant, sans apprentissage ni références nécessaires au langage artistique et à son développement.
Savoir dessiner, faire nos couleurs, composer permet d’aller encore plus loin dans cette exploration. Tout comme le fait de connaître plus de mots enrichit le travail de l’écrivain. Il m’est arrivé souvent de commencer une toile à partir des premiers niveaux et me retrouver au niveau 4. Quelle belle aventure !
Et si de nombreux artistes disent qu’une oeuvre ne peut pas se traduire en mots, c’est simplement que l’introspection soit ne les intéresse pas, soit ils n’en ont pas connu les bénéfices.
Lise Fortin